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Au tout début des années soixante, le premier vrai bateau est un petit quillard habitable d'un peu plus de 5 mètres dans l'esprit du Corsaire. Maurice Edel montre ses exquises à l'architecte Henri Dervin qui le conseille, l'encourage et lui communique le plan d'un sloop de 7,20 mètres ainsi qu'une formule mathématique pour en réduire les lignes. "Il fallait tout repenser pour le polyester. Le projet avait intrigué Dervin qui ne connaissait pas du tout ce matériau et son parrainage me tranquillisait sur l'avenir du bateau. En fait, je me suis inspiré de l'esthétique des voitures de l'époque : j'ai créé un véritable par-brise à l'avant et des grandes baies vitrées dont le principe a été vite repris par d'autres chantiers !"  

Coque de 5,75 mètres pour 2,08 mètre de large, le Calanque, finalement commercialisé sous le nom de Grand Large, du nom du plan d'eau proche du chantier, fourmille d'idées. La cabine est coiffée d'une casquette de forme complexe dissimulant des aérateurs et préfigurant le 'hard top" des catamarants de croisière trante ans plus tard. A bord, deux couchettes (une troisième en option) voisinent avec réchaud à cardan, table à cartes sur glissière, rangements, penderie et même évier alimenté par un réservoir placé en hauteur. sortant très bien classé d'un comparatif - premier du genre -  oraganisé à la Rochelle par l'Auto-Journal, le Grand Large donne une audience nationale au petit chantier de Décines. Complexe à construire, nécessitant cinq moules pour le seul rouf, le Grand Large fait des adeptes. Bateau en remorque, Maurice Edel roule des milliers de kilomètres pour montrer le bateau et régater. Il participe même à deux Cowes-Dinard, traversant la première fois avec juste un compas de route, une carte et une règle Cras dont personne à bord ne sait se servir. Mais l'ambiance des grandes compétitions ne lui convient guère : lui, préfère les régates dominicales entre copains.

"On a commencé comme ça, avec le Grand Large et une petite clientèle, tout en faisant des pièces industrielles et toujours un peu de bois. A l'usine, il y avait les "bouts de bois", les menuisiers, et les "touilleurs" qui travaillaient la résine. Qu'est-ce-qu'on passait comme heures à "touiller" ! On à fait des paniers de fraises en plastique, des wc turcs ! Pendant la guerre d'Indochine, on m'a même proposé de faire des cercueils e polyester, mais j'ai refusé !" Laboratoire d'application à proximité de la pétrochimie du Rhône, le chantier accompagne une évolution technologique rapide lorsque apparaissent les gelcoats, les résines thixotropes qui ne coulent plus, puis les produits préaccélérés et paraffinés.